5 questions à Julien Boisse – chercheur spécialisé en modélisation des matériaux et simulation numérique, de retour d’Australie !

Dans le cadre d’un Congés pour Recherches et Conversions Thématique (CRCT) d’un an (2023-2024), zoom sur Julien Boisse, chercheur au sein de l’équipe “Rhéologie de matériaux solides nano/micro-structurés” du LEMTA et maître de conférences à l’ENSEM.

Peux-tu nous en dire plus sur ton parcours ?
J’ai fait un Master 2 en matériaux et nanosciences à Marseille, puis un doctorat en métallurgie physique à l’université de Rouen sur la modélisation et simulation des transformations de phase dans les alliages à base nickel pour l’aéronautique. J’ai ensuite enchainé sur un postdoctorat à l’Université Rutgers aux USA où j’ai modélisé les alliages à mémoire de forme avec un spécialiste des transformations de phases.
A mon retour en France, j’ai travaillé sur la modélisation du vieillissement des aciers, puis sur le tungstène en tant que matériau, face au plasma pour la fusion nucléaire. Fort de mon expérience en modélisation/simulation dans les matériaux de l’échelle atomique à l’échelle micrométrique, j’ai obtenu en 2013 un concours de maître de conférences à l’ENSEM rattaché au LEMTA.

Sur quelle thématique travailles-tu et quelles en sont les applications ?
Au sein de l’équipe, je suis spécialiste de la modélisation et de la simulation des matériaux. Avec mes collègues Stéphane André (modélisation/expérience) et Laurent Farge (expérience), nous travaillons sur les mécanismes de déformation dans les polymères et matériaux composites à matrice polymères : la compréhension de ces phénomènes dans ce type de matériaux est un défi d’actualité. À l’heure où la recyclabilité, la tenue mécanique et la légèreté restent des critères importants dans le choix de ce type de matériaux pour les applications mécaniques, de nouvelles classes de polymères sont étudiées au LEMTA, telles que les vitrimères qui présentent des propriétés de formage analogues à celles du verre. En appui des expériences menées sur des échantillons produits et testés par l’équipe, nous sommes en mesure de créer une infinité de microstructures types virtuellement, avant de procéder à des calculs de réponses mécaniques sur ces microstructures, en utilisant des codes que nous développons nous-mêmes.

Pourquoi as-tu demandé un CRCT ?
Un Congés pour Recherches et Conversions Thématique (CRCT) permet d’obtenir du temps nécessaire pour faire de la recherche à 100% et surtout de se former dans d’autres domaines scientifiques. Pour moi, la possibilité de créer une base de données de microstructures de matériaux composites et de leur comportement mécanique calculés représente l’opportunité d’appliquer des algorithmes d’intelligence artificielle pour le design de matériaux composites optimaux. Durant cette période, je me suis formé aux techniques d’ « apprentissage machine » (machine learning). Les réseaux de neurones de type génératifs (“GAN” ou “Stable diffusion”) permettent de produire des images de microstructures composites idéales en partant de propriétés mécaniques imposées par un cahier des charges.

Pourquoi as-tu choisi l’Australie ?
La mobilité dans la recherche ne me fait pas peur, même à l’autre bout du monde. Le CRCT offre l’opportunité unique de changer d’environnement de travail et de vivre une expérience marquante dans une carrière. J’ai ainsi eu la chance de rejoindre l’Université de Sydney. Grâce au soutien du LEMTA, du programme Widen Horizons de LUE et du programme PHC FASIC, j’ai collaboré étroitement avec le professeur Zhiyong Wang, directeur du laboratoire d’informatique multimédia au sein de la “School of Computer Science” de l’Université de Sydney. Cette institution jouit d’une renommée mondiale pour ses recherches en intelligence artificielle, technologies centrées sur l’humain, interaction homme-machine, architecture des systèmes informatiques, cybersécurité et traitement d’images. L’expertise de son équipe en vision par ordinateur m’a permis de maîtriser des outils avancés et des techniques innovantes, notamment l’application de réseaux de neurones génératifs de type « stable diffusion » pour le design de microstructures de composites optimales. Cette collaboration intercontinentale est destinée à perdurer.

Une anecdote, un fait marquant durant ton séjour ?
Travailler dans la  “School of Computer Science” était tout de même un peu dépaysant si on compare avec un laboratoire de mécanique. Les collègues des groupes “théorie base de donnée” ou encore “blockchain” travaillent sur des sujets d’actualité avec des applications directes dans le monde du numérique. Je me souviens d’une réunion de travail du groupe “blockchain” sur la finance décentralisée dans laquelle j’étais invité et qui, de mon point de vue, prenait des airs de réunion de “hacker” ou chacun avait son avis sur comment “craquer” l’algorithme présenté par l’orateur.

Julien Boisse et son collaborateur australien, le Professeur Zhiyong Wang

Génération par IA d’une microstructure de composite à matrice polyester renforcée aux fibres de verre à partir de propriétés mécaniques imposées.
Coupes transversales (
2 itérations) générées par un algorithme de « stable diffusion » entraîné sur une base de données créée au LEMTA.