À l’occasion du 8 mars, Journée internationale pour les droits des femmes, zoom sur Christel Métivier, responsable de l’équipe Fluides et écoulements complexes dans l’industrie et la nature du LEMTA, maître de conférences à la Faculté des Sciences et Technologies.
Quel est votre parcours ?
“J’ai toujours été attiré par les sciences, en particulier les mathématiques. Mon parcours universitaire a commencé par une classe préparatoire en Physique Technologie. Cela a confirmé mon attrait pour les mathématiques. L’ouverture vers la technologie (dessin industriel, mécanique etc…) a été une expérience enrichissante. Ce cursus m’a conduit à intégrer une école d’ingénieur en mécanique générale : Arts et Métiers ParisTech (ex-ENSAM). J’ai découvert le monde de la mécanique au sens large : de l’usinage aux équations en passant par la fonderie, le soudage, incluant des travaux pratiques en bleu de travail et chaussures de sécurité ! J’ai recentré ma dernière année d’école à Paris autour de la mécanique des fluides avec l’obtention, en parallèle de mon diplôme d’ingénieur, d’un Master de Recherche à l’université Pierre et Marie Curie (Jussieu). Cette dernière année a été décisive pour la suite : je me suis engagée dans une thèse théorique en mécanique des fluides, en parallèle de laquelle, j’ai eu l’opportunité d’enseigner. Les trois années de thèse m’ont permis de me concentrer pleinement sur un sujet de recherche, ce fut un réel épanouissement personnel et professionnel couronné par deux prix de thèse ! Naturellement, j’ai souhaité poursuivre dans une carrière universitaire. Ce vœu s’est concrétisé par mon recrutement en tant qu’enseignant-chercheur (maîtresse de conférences) à Grenoble puis à Nancy.”
Sur quelle thématique travaillez-vous et quelles en sont les applications ?
“Mes activités de recherche concernent l’énergie ainsi que la manière dont les fluides s’écoulent. Nous sommes entourés par des fluides que ce soit dans notre corps, dans la nature ou dans l’industrie. Tous les fluides ne s’écoulent pas de la même manière, pour illustrer ce propos, on peut prendre comme exemples de l’eau, du miel, des compotes, pâte de dentifrice, gel ou lave. J’ai longtemps étudié la mise en écoulement de fluides modèles lorsque ceux-ci sont soumis à des sollicitations mécaniques ou thermiques.
Récemment, j’ai élargi mes activités aux matériaux à changement de phase qui sont beaucoup utilisés dans le domaine de l’énergie, notamment pour les systèmes de stockage de l’énergie thermique ou pour le maintien de conditions thermiques spécifiques. Le principe physique associé est simple, il consiste à tirer profit de la chaleur latente dégagée ou absorbée lors du changement de phase. Notamment, le changement d’état de la phase liquide à solide s’accompagne d’un dégagement de chaleur (transformation exothermique), chaleur que le matériau doit recevoir pour permettre la transformation endothermique de solide à liquide. Ainsi, le matériau stocke l’énergie qui lui est apportée lors du changement de phase endothermique et restitue cette chaleur lors du changement de phase exothermique. Ces matériaux sont d’ores et déjà présents dans notre vie quotidienne (ex : chaufferettes) mais aussi dans différentes technologies, notamment le bâtiment ou les textiles intelligents, et dans la nature (magma terrestre). Je cherche à comprendre les mécanismes physiques associés aux transferts de chaleur lors du changement de phase, avec écoulement ou non. La compréhension des mécanismes physiques peut avoir une conséquence directe sur la mise en œuvre des procédés industriels.”
Pourriez-vous partager avec nous ce qui vous a poussée à faire ce métier ?
“Le point de départ fut mon attrait pour les mathématiques, puis progressivement, une ouverture vers les sciences physiques et mécaniques. La Recherche scientifique a toujours eu une aura particulière pour moi, cela, dès le lycée (aussi loin que je puisse me souvenir) ! Initialement, j’avais une vision floue mais idéalisée de la recherche via quelques grandes découvertes scientifiques et de grands scientifiques tels qu’Albert Einstein, Pierre et Marie Curie. Ma vision est devenue plus nette au fur et à mesure de mes études supérieures. C’est le travail de thèse qui m’a clairement révélé le monde de la recherche. J’ai toujours été curieuse, j’aime apprendre et comprendre. J’étais frustrée au cours de ma formation lorsqu’il fallait appliquer des formules « toutes faites » ou très empiriques qui semblaient sortir du chapeau magique ! Cela m’a permis de comprendre que le métier d’ingénieur ne me correspondait pas mais que j’avais besoin de comprendre la science plus en profondeur. Aujourd’hui, j’ai l’impression d’être une éternelle étudiante avec l’avantage de pouvoir choisir les domaines ou sujets d’investigation. Bien entendu, nous sommes de plus en plus contraints à faire de la recherche appliquée, ce qui peut être une bonne chose, mais il faut que la recherche fondamentale, sans application a priori, perdure. La recherche scientifique peut être passionnante. Si cela m’était possible, je ferais régulièrement une nouvelle thèse pour pouvoir me concentrer deux-trois ans sur le sujet de mon choix.
Le fait d’être une femme ne m’a jamais posé de difficulté dans mes études, même si la représentation féminine est très minoritaire dans les études de mécanique. Concernant le niveau ou le domaine d’étude et les capacités intellectuelles, je ne vois aucune différence homme – femme ! A mon avis, les « distinctions » proviennent d’idées reçues qui vont à l’encontre de toute démarche scientifique.”
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