La durée de vie des piles à combustible est le principal frein à leur déploiement à grande échelle, en particulier dans le milieu des transports. Des scientifiques ont montré que certains défauts localisés dans les électrodes pouvaient se propager jusqu’à la membrane de la pile à combustible. Publiés dans le Journal of Power Sources, ces travaux reposent notamment sur des cellules ultrasophistiquées qui permettent de suivre finement l’état électrochimique des piles à combustible, associées à des analyses fines des matériaux.
Capables de produire de l’énergie à partir d’hydrogène et d’oxygène provenant de l’air, les piles à combustible sont des outils précieux pour la transition énergétique. Elles seraient idéalement utilisées dans des applications de transport lourd, comme les trains et les camions, mais il faudrait pour cela que les systèmes commerciaux de piles à combustible présentent une durée de vie d’au moins 20 000 heures, ce qui n’est pas encore le cas. L’amélioration de ce paramètre passe notamment par une meilleure compréhension des défauts qui peuvent apparaître dans les principaux éléments du cœur d’une pile à combustible, bien souvent constitués de matériaux fragiles et compliqués à mettre en forme. L’épaisseur de la membrane ionomère, qui sépare les électrodes et joue le rôle d’électrolyte, est ainsi inférieure à 20 µm, soit le cinquième de celle d’un cheveu, tandis que les électrodes prennent la forme de nanoparticules de platine déposées sur des particules submicrométriques de carbone. Issu du travail de thèse de Salah Touhami et de l’équipe “Hydrogène et Systèmes Électrochimiques” du Lemta, en collaboration avec le LEPMI et le LITEN, ces travaux ont montré que des défauts présents dans la cellule d’une pile à combustible étaient capables de se propager au sein du dispositif, avec un impact préjudiciable à son bon fonctionnement. Les résultats sont publiés dans le Journal of Power Sources.
Ce phénomène a été observé grâce à l’utilisation des cellules segmentées et instrumentées du LEMTA. Avec les cellules classiques, on ne mesure que la tension, le courant et la nature des gaz, et ce seulement à l’entrée et à la sortie du dispositif. Les cellules du LEMTA, un équipement rarissime même à l’échelle mondiale, offrent des mesures locales en de nombreux autres points et renseignent sur la majorité des paramètres électrochimiques, comme l’impédance ou la capacité de l’hydrogène à traverser la membrane. Les équipes de recherche ont étudié l’impact de défauts, tels que l’absence locale de couche catalytique anodique, sur l’état de santé de la pile à combustible. Ces faiblesses facilitent le passage, à travers la membrane, d’oxygène, issu de l’air, et d’hydrogène. Ensemble, ils forment du peroxyde d’hydrogène et des radicaux libres, des composés très réactifs qui dégradent significativement la membrane, qui laisse alors passer davantage de gaz et ainsi de suite. Les chercheurs et les chercheuses ont également montré que les défauts se propageaient principalement dans la direction de l’écoulement de l’hydrogène et, en tout cas dans un premier temps, bien moins dans celle de l’air. Les scientifiques explorent à présent le détail des mécanismes de propagation des défauts, dans le cadre du PEPR Hydrogène Décarboné (Programmes et équipements prioritaires de recherche) afin de contribuer à l’amélioration de la durée de vie des piles à combustible.
Les cellules segmentées et instrumentées du LEMTA, avec en haut la cathode et les canaux d’alimentation en air et en hydrogène pour des électrodes de référence, et en bas l’anode et le canal d’alimentation en hydrogène. © Salah Touhami
Références
Anode defects’ propagation in polymer electrolyte membrane fuel cells.
Salah Touhami, Marie Crouillere, Julia Mainka, Jérôme Dillet, Christine Nayoze-Coynel, Corine Bas, Laetitia Dubau, Assma El Kaddouri, Florence Dubelley, Fabrice Micoud, Marian Chatenet, Yann Bultel, Olivier Lottin.
Journal of Power Sources 520, 2022.
https://doi.org/10.1016/j.jpowsour.2021.230880
Article source
Site web Institut des sciences de l’ingénierie et des systèmes (INSIS) du CNRS