[8 mars] 5 questions à Irina Panfilov, chercheuse spécialiste des écoulements multiphasiques de fluides en milieux poreux

À l’occasion du 8 mars, Journée internationale pour les droits des femmes, zoom sur Irina Panfilov, chercheuse dans l’équipe IRM pour l’ingénierie du LEMTA, et maître de conférences à l’École Nationale Supérieure de Géologie (ENSG).

Peux-tu nous en dire plus sur ton parcours ?

Pour une chercheuse en France, j’ai un parcours atypique. Tout d’abord, je suis d’origine russe et j’ai commencé mes études et mon travail à Moscou. Là-bas, j’ai obtenu mon diplôme à l’Université du Pétrole et du Gaz de Goubkine, puis j’ai continué mes études encore une année à la Faculté des Maths Appliquées de l’Université de Lomonossov. Ensuite j’ai obtenu un poste à l’Institut des problèmes du pétrole et du gaz rattaché à l’Académie des Sciences de Russie.
En 2000, j’ai déménagé en France avec ma famille et j’ai eu l’opportunité de terminer ma thèse de doctorat et de commencer à enseigner à l’ENSG. En 2011, j’ai obtenu mon habilitation à diriger des recherches (HDR) sur la thématique des écoulements multiphasiques à l’échelle microscopique et macroscopique en milieux poreux.

Sur quelle thématique travailles-tu et quelles en sont les applications ?

Mes recherches portent sur les milieux poreux et les systèmes fluides multiphasiques. Les écoulements multiphasiques dans les milieux poreux sont essentiels dans de nombreux domaines tels que la géologie, la récupération de pétrole, les stockages du gaz, la gestion des ressources en eau, et bien d’autres. La complexité de ces systèmes rendent la modélisation mathématique et numérique cruciale pour comprendre et prédire leur comportement. Pour valider et affiner ces modèles, j’utilise des outils tels que la tomographie IRM pour obtenir des images détaillées de la distribution des phases à l’intérieur du milieu poreux. Par exemple, la thèse de ma doctorante actuelle Diana Kerimbekova vise à étudier la dépollution par des tensio-actifs d’aquifères contaminés. Les données expérimentales obtenues par IRM sont utilisées pour valider les modèles mathématiques. Mes autres sujets de recherche concernent les énergies nouvelles et/ou renouvelables, comme les réservoirs géothermiques ou l’extraction du méthane des couches de charbon.

Pourquoi as-tu choisi ce métier ?

Le fait que je sois née fille dans la famille d’un pilote militaire m’a permis d’avoir toute la liberté de choisir ma future carrière. Garçon, mon destin aurait été tout tracé : le fils d’un officier doit devenir officier ! Depuis l’enfance, j’aimais la physique et les mathématiques et je voulais avoir un métier lié à ces sciences. J’ai donc choisi une université pas très loin de chez moi et où il y avait un département de mathématiques appliquées.
Depuis fin 2003, après la soutenance de ma thèse de doctorat à l’INPL, je travaille à l’Université de Lorraine. Cela fait 20 ans que j’ai le plaisir de contribuer à la réussite de notre établissement en tant que Maître de conférences à l’ENSG et chercheuse au LEMTA.
Pour réussir dans la science, comme dans toute autre activité, il faut faire beaucoup d’efforts. Dans la science comme dans la vie, je suis inspirée par les personnes qui n’abandonnent pas devant les difficultés.

Une anecdote, un fait marquant ?

Lorsque je suis arrivée à l’Université du pétrole et du gaz de Goubkine, les étudiants étaient réunis pour une séance d’orientation et le professeur a demandé à chacun d’expliquer pourquoi ils avaient choisi cette université. Les réponses des étudiants étaient logiques : certains ont mentionné que leur père travaillait comme ingénieur dans les champs pétroliers, d’autres ont dit que des membres de leur famille travaillaient chez GazProm (industrie gazière russe). Chacun semblait être l’enfant d’un roi du pétrole ou d’une famille liée à ce domaine.
Quand mon tour est arrivé, j’ai juste dit : “Eh bien c’est l’université la plus proche de chez moi, et je n’ai aucun membre de ma famille dans l’industrie pétrolière”. Le professeur et les étudiants ont été très surpris : “Mais que fais-tu ici ?”. Je leur ai expliqué que j’allais candidater à la faculté de maths-physique quand un membre du comité d’admission m’a proposé de me tourner vers  le département du gaz qui proposait aussi beaucoup d’enseignements mathématiques. J’ai fait confiance à son avis et depuis, je continue à travailler dans ce domaine, même après mon déménagement en France. Je m’intéresse aux problèmes scientifiques dans les milieux poreux appliqués aux ressources énergétiques fossiles ou renouvelables. Parfois, même lorsque l’on choisit son chemin au hasard, cela peut mener à une destinée passionnante !

Quels sont tes conseils pour sensibiliser & attirer les jeunes femmes à choisir une carrière scientifique ?

Je pense que tout comme les hommes, les femmes ont besoin d’un travail créatif et intéressant, et peut-être sont-elles aussi un peu plus curieuses ?
En sciences, toutes les possibilités s’offrent aux femmes pour leur permettre de réaliser une carrière intéressante. De plus, le milieu scientifique offre la possibilité de faire de nouvelles rencontres, de trouver des nouveaux collègues  et d’avoir des échanges très enrichissants.
Le principal facteur qui freine les femmes dans leur carrière est la formation d’une famille, car pendant cette période il est difficile de continuer à travailler aussi activement. Mais c’est juste une période de quelques années, et il y a aujourd’hui beaucoup d’aides sociales pour combiner avec succès un travail dans le milieu scientifique et une vie de famille. L’essentiel, c’est la motivation !